Rencontre avec Marie de Saint Germain : l’art comme théâtre de l’émotion
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À l’occasion de l’exposition « Un automne autrement » à Locmariaquer, nous avons rencontré Marie de Saint Germain, artiste autodidacte au talent singulier, qui nous ouvre les portes de son univers aussi poétique qu’énigmatique. Une invitation dans un univers où l’émotion se cache dans les détails, où le mystère est une langue, et où chaque tableau est une scène à interpréter. Une rencontre rare, sincère et intensément artistique.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis une artiste autodidacte. Mon aventure artistique a commencé pendant la période du Covid, un moment suspendu où je me suis retrouvée seule, comme beaucoup. J’ai alors commencé à expérimenter le collage, exclusivement papier au début, puis j’ai intégré d’autres matières : carton, ficelle, peinture acrylique, encre de Chine… Aujourd’hui, je travaille en mix media, une technique qui me permet d’assembler tous ces éléments pour créer une composition unique. Chaque tableau est minutieusement colorisé à l’acrylique et à l’encre pour atteindre les teintes qui résonnent avec l’esprit de l’œuvre.

Comment décrirez-vous vos œuvres ?
Mes compositions sont comme des petites scènes de théâtre : on pourrait tirer un rideau, et découvrir un décor, des personnages, une histoire. C’est une forme d’expression que je connaissais bien, car j’ai fait du théâtre plus jeune et j’aurais aimé en faire mon métier, mais cela ne s’est pas fait. Alors, je recrée aujourd’hui ces atmosphères scéniques, en images. Chaque œuvre me demande entre 15 et 20 heures de travail, car je pars souvent d’un élément ou d’une idée qui m’inspire, et je construis tout autour.

Pouvez-vous nous parler de « Moon Flower » ?
Il y a par exemple un chou dans la tête, un hippocampe dans l’œil, un serpent autour du cou… Tout est pensé, peint, ajusté. Rien n’est laissé à sa couleur d’origine : je repeins chaque élément à l’acrylique avec des teintes choisies pour évoquer l’automne — du brun, du roux, du vert encore présent sur les arbres… Je travaille avec des peintures acryliques de très grande qualité, comme celles de chez Sennelier, pour obtenir une vraie justesse dans les tons.
Est-ce que chaque tableau a ce degré de minutie ?
Absolument. Par exemple, dans « Red », je voulais aborder la place des femmes dans la société. Il y a une force dans le rouge, un univers presque agressif, comme l’environnement que je trouve encore très dur pour les femmes aujourd’hui, malgré les avancées. Rien n’est peint au hasard. Même le fond est retravaillé avec l’encre de Chine, brossé, délavé, pour créer des reflets, des nuances, une réelle profondeur.
Quels matériaux ou techniques affectionnez-vous en ce moment ?
L’acrylique me passionne de plus en plus, et je songe à m’essayer à l’abstraction totale cet hiver, ce serait un vrai défi pour moi. J’aime aussi le montage, cette phase où je compose une œuvre comme un puzzle. J’assemble, ajuste, modifie, jusqu’au moment où je ressens que c’est juste que tout est à sa place. C’est une forme d’intuition. La couleur, elle, me permet ensuite de faire naître l’émotion.
Que va découvrir le public dans cette exposition ?
Je l’espère, une invitation à voyager dans un univers mystérieux, onirique, parfois déroutant, mais riche en émotions. Je serai présente pour guider celles et ceux qui le souhaitent dans ce monde un peu hors du temps.
Avez-vous une œuvre que vous êtes impatiente de partager ?
Pas particulièrement. Certaines me touchent plus que d’autres, mais l’important, c’est le ressenti du visiteur. J’aime ces échanges autour de l’émotion que provoque une œuvre, quel que soit l’âge, le parcours ou la sensibilité.
Comment avez-vous choisi les œuvres exposées ?
J’ai sélectionné des pièces récentes de 2024 et 2025, dont Moonflower, ma dernière création. J’ai aussi inclus des œuvres un peu plus anciennes, pour offrir une vision plus large de mon univers. Cette année, je présente des formats très variés, ce qui n’est pas habituel pour moi : du petit au grand format, pour montrer qu’une œuvre peut s’inviter chez soi de différentes manières.
Avez-vous des artistes ou des courants qui vous inspirent ?
Je suis profondément admirative de Bosch et Dürer. Bosch pour son univers sombre, énigmatique, presque surréaliste bien avant l’heure et Dürer pour la précision de sa gravure et ses autoportraits saisissants.
Dans les artistes plus récents, j’aime Giorgio De Chirico, précurseur du surréalisme, mais j’essaye de ne pas trop me nourrir d’autres artistes pour laisser l’inconscient s’exprimer pleinement dans mes créations. Je ne cherche pas à faire quelque chose de « raisonnable ». Je veux laisser surgir ce qui est enfoui.

Le regard du public influence-t-il votre perception de vos œuvres ?
Oui, toujours. Un échange, même critique, est un cadeau précieux. Je me souviens d’une jeune fille, 14 ou 15 ans, qui m’a demandé si elle pouvait me prendre dans ses bras après avoir vu mes œuvres… Elle était bouleversée. Ça m’a profondément touchée. On ne crée pas pour un type de public, mais quand une émotion traverse comme ça, c’est inoubliable.
Si votre univers artistique était une saison, une musique ou un paysage ?
Le paysage serait imaginaire, venu d’une autre planète, avec des ciels bicolores et une nature inconnue.
Musicalement, j’écoute de tout : rock, classique, techno… Mais mon artiste de cœur, c’est David Bowie, et son titre Lady Stardust me touche tout particulièrement.
Pour la saison, je dirais le passage de l’automne à l’hiver, ce moment suspendu où la nature s’endort dans un silence presque total, mais où tout continue de vivre en secret, sous la surface.
Quel lien entretenez-vous avec Demeures Marines ?
C’est une rencontre très humaine qui a commencé par une simple visite immobilière. Quand Maud a découvert mon atelier, elle a été touchée. Très vite, une belle affinité est née, amicale autant qu’artistique. J’aimerais d’ailleurs qu’elle vienne un jour travailler avec moi sur une œuvre.
Professionnellement, j’apprécie beaucoup l’élégance et la sensibilité poétique de la démarche de Demeures Marines, dans la façon dont vous mettez en valeur les biens. Il y a une part de mystère, de suggestion, qui me parle énormément. Et j’ai aussi beaucoup aimé le respect dans les échanges, même pour les détails du texte final de ma maison.
Souhaitez-vous ajouter un mot sur l’exposition ?
Je participe à « Un automne autrement », une initiative artistique à Locmariaquer. Ce sont deux jours d’ouverture d’ateliers, avec une quinzaine d’artistes à découvrir sur des lieux différents. Je n’expose pas seule, et c’est toute la richesse de ce parcours.
👉 Un Automne Autrement – Les Ateliers d’artistes de Locmariaquer du 11 au 12 octobre dans différents endroits de la ville.
Retrouvez Marie de Saint Germain au 19 rue de la Victoire.

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