Artiste peintre et fondatrice de Maison Fétiche
Rencontres
Publié le
Artiste peintre engagée et fondatrice de Maison Fétiche, Caroline Basuyau nous a fait le privilège de nous recevoir. Avec beaucoup de gentillesse et de délicatesse, elle nous a fait découvrir son univers empreint d’engagement, de bienveillance, de couleurs et de lumière. Une rencontre inspirante que nous avons plaisir à partager avec vous.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis artiste peintre coloriste depuis plus de vingt ans. L’humain, l’animal et le végétal sont les thèmes qui me tiennent à cœur. Ils sont au centre de mes créations depuis toujours. L’idée, c’est de faire passer des messages, notamment environnementaux, à travers mes œuvres. Par exemple, je peins des animaux ou des personnages en dehors de leur environnement « normal ». Vous allez ainsi retrouver un ours polaire ou un inuit dans une forêt tropicale. Je présente un visuel décalé pour interpeller différemment sur la montée des eaux. Peindre, c’est ma vie. Les pinceaux et les couleurs font partie intégrante de mon quotidien, c’est cette énergie qui me fait me lever au milieu de la nuit chaque jour.
Comment est née votre vocation artistique ?
Je dessine depuis que je suis toute petite. J’ai des souvenirs de dessins/motifs que je faisais à l‘âge de 3 ans. On les retrouve encore d’une certaine façon dans mes tableaux aujourd’hui. Enfant solitaire, plutôt autodidacte, j’ai appris en passant mon temps libre à recopier les peintres que j’admirais. A 13 ans, j’ai intégré un atelier de gravure et de restauration de vitraux à Pont-Scorff. J’étais jeune et passionnée par cet art.
Le vitrail a déclenché beaucoup de choses dans ma peinture : le travail sur la couleur, la recherche perpétuelle de lumière, le cerne noir… Je suis en quête permanente du juste équilibre.
Ce qui peut étonner, c’est que je peins beaucoup la nuit et que mon atelier est orienté au nord. Pour faire ressortir les couleurs, il ne me faut absolument pas de lumière, j’y suis très sensible. Cette absence de lumière me permet de la rechercher et de la faire ressortir dans mes tableaux. Quand je peins, je n’ai plus de repère spatio-temporel, tout est hors du temps. Généralement, je travaille sur 2 ou 3 tableaux en parallèle pour ne pas m’ennuyer au niveau des couleurs et pour avoir un certain recul.
Quels peintres ont nourri votre art ?
Les frères Bonnec ont été les premiers peintres que j’ai commencé à recopier enfant et avec lesquels j’ai commencé à apprivoiser la couleur. C’est au contact de leur œuvre que je me suis dit que je voulais devenir artiste coloriste. La pierre était posée. Ensuite, j’ai travaillé sur les œuvres de Loïc Barbotin qui est un artiste assez contemporain. Je l’ai rencontré une première fois dans sa galerie rennaise dans le cadre de ma thèse dont il faisait l’objet. Quelques années plus tard, j’ai exposé à l’Orangerie du Thabor. Sans avoir fait le lien, il est venu découvrir mon travail et m’a alors beaucoup encouragée. J’ai passé ma jeunesse à étudier ses tableaux, les recopier… son influence dans mon travail est indéniable. Ce qui est drôle, c’est que les œuvres présentées sur cette exposition sortaient de cette influence, j’y présentais notamment une grande fresque avec des bambous. Une belle connexion s’est créée puisque quelques temps après cette seconde rencontre, il a exploré la thématique du bambou avec des vitraux. Loïc Barbotin est très important pour moi. Son art me porte et me fait vibrer. Alain Thomas, célèbre artiste considéré comme le chef de file de la peinture naïve-primitive, m’a beaucoup appris aussi sur le dessin des animaux. Des artistes comme Matisse ou Picasso m’ont aussi toujours fascinée et c’est essentiel de connaître leur travail. Je les aime pour leur histoire, la façon dont ils ont percé/évolué mais je n’ai pas appris le dessin ou la couleur avec eux. J’ai ensuite appris le dessin dit « académique » dans une école d’art appliqué. Nous passions des heures à dessiner des pommes. Il a fallu que je passe par là pour avoir un dessin assez précis.
Comment votre art a-t-il évolué ?
A contre-courant. Plus jeune, j’étais moins précise dans mes dessins, plus dans l’abstrait. Aujourd’hui, je suis presque dans l’hyperréalisme. Souvent, les artistes passent de l’hyperréalisme à l’abstrait… moi, je fais le chemin inverse. Quand je dessine des animaux, on peut parfois avoir l’impression qu’ils sont vivants, qu’ils vont presque s’échapper de mon tableau. Petite anecdote assez drôle sur le sujet, mon chien Oscar, bouledogue français qui passe sa vie dans mon atelier, a parfois des mouvements de recul face à mes panthères ou grands singes… Pour travailler sur les animaux, je m’appuie sur des photos car la posture est quelque chose de très important pour moi. A travers cette photo, l’animal va en quelque sorte me parler et ensuite mon imaginaire prend totalement le dessus. Ce que j’aime quand je commence une toile, c’est partir de l’infiniment petit, comme une gouttelette d’eau par exemple, pour arriver ensuite à l’infiniment grand.
Vous êtes une spécialiste de l’art animalier contemporain, pouvez-vous nous en dire plus ?
L’art animalier fait effectivement partie de mon univers. Je suis reconnue pour mon travail sur le sujet car mes œuvres sont présentées dans des galeries, sur des expositions et des salons internationaux, dédiés à cet art. « Médiatiquement », on m’associe donc beaucoup à cet univers. Au quotidien, et sur chacune de mes expositions personnelles, il me tient aussi à cœur de travailler sur l’humain et le végétal avec cette omniprésence de la Polynésie.
Un engagement pour les animaux et la nature
Je pense que les artistes portent un message essentiel pour la société. Je travaille beaucoup sur les animaux en voie de disparition. C’est quelque chose qui est en moi et qui quelque part me dépasse. C’est un besoin presque viscéral de les représenter et d’exprimer ainsi des messages d’alertes environnementaux via la peinture. On rentre presque dans l’ordre du « paranormal ». Il y a quelques années, j’ai rencontré à deux reprises le chef d’une tribu algonquine, au Canada puis en France. C’est un medicine-man reconnu, très proche du Dalaï-Lama, qui accompagne des personnes, voire des organismes comme le GIGN, via des voyages initiatiques. Avec lui, j’ai compris la raison pour laquelle je peignais des animaux blancs. A l’époque, c’était mon obsession, je ne pouvais que peindre des animaux blancs et j’étais un peu perdue car je ne comprenais pas pour quelles raisons je faisais cela. Grâce au voyage initiatique que j’ai fait à ses côtés, j’ai trouvé le sens. Dans la prophétie des amérindiens, les animaux blancs sont voués à disparaître sur la planète. Quand on me pose la question du pourquoi et du comment de mon art, j’avoue ne pas avoir encore toutes les clés. C’est un cheminement permanent qui me dépasse qui peut aussi prendre la forme de rêves prémonitoires. Des peintures réalisées il y a des dizaines d’années prennent sens aujourd’hui. Par exemple, à 22 ans, j’ai représenté deux femmes de dos sur une plage polynésienne, toutes deux en habit traditionnel. De dos, l’une portait un bébé et la seconde, européenne, se tenait à ses côtés. Il s’avère que quelques années plus tard, avec mon mari, nous sommes allés en Polynésie adopter notre fille Lili. Quand j’ai peint ce tableau, j’étais toute jeune, je n’avais jamais été dans ce pays et n’avais pas encore ce projet d’adoption. J’ai des images dans la tête et ma mission est de les retranscrire via mon art. Mon rôle en tant qu’artiste est de faire passer avec sincérité et authenticité des messages.
Où pouvons-nous découvrir vos tableaux ?
Je suis exposée dans plusieurs galeries. Récemment, j’étais sur une exposition à la galerie des Thuillier à Paris. Bientôt, je serai dans une galerie à Bruxelles. Ce sont toutes des galeries spécialisées dans l’art animalier, c’est très spécifique et destiné aux collectionneurs. A côté de cela, j’organise des expositions personnelles. J’ai exposé au Château de l’Hermine à Vannes, à la Passerelle à la Gacilly… L’été dernier, j’ai investi le Musée Maritime de l’île d’Arz et j’y serai également en 2022. Le contexte sanitaire a un peu freiné les choses mais je travaille activement sur ces rendez-vous qui représentent beaucoup de travail, entre 40 et 60 œuvres en fonction des lieux. Ils sont essentiels pour moi car ils me permettent de sortir de mon atelier, de rencontrer les gens, de parler de peinture…
C’est passionnant et revigorant car en tant qu’artiste, on peut parfois se sentir seul. Au quotidien, j’échange beaucoup avec la communauté des artistes animaliers. Nous partageons un certain schéma empreint de la même sensibilité. J’échange beaucoup avec Sophie Bonnecaze-Laborde qui est sculpteur animalier. Travailler sur les mêmes thèmes nous rapproche énormément. A terme, nous aimerions imaginer une exposition ensemble. J’ai aussi la chance de travailler avec mon mari qui a cette sensibilité à l’art puisque lui-même dessine, peint et sculpte.
Pouvez-vous nous parler de « Maison Fétiche », votre marque d’accessoires de mode ?
Avec mon mari, Johann David, nous avons imaginé « Maison Fétiche » en 2018. Nous cherchions depuis des années une façon de diffuser plus largement les messages de mes œuvres.
J’avais cette envie et ce besoin viscéral que mes messages soient portés.
Je passe énormément de temps sur chacun de mes tableaux, j’y suis très attachée au point que je considère que j’y laisse en quelque sorte une partie de mon âme. Dans cette optique, nous avons fait le choix d’imaginer une maison d’accessoires de mode et de décoration qui soit alignée à mes valeurs et convictions profondes liées à la préservation de la planète et des hommes. Nous avons donc créé Maison Fétiche dans l’esprit d’un écrin précieux avec une gamme d’accessoires d’exception : foulards de twill de soie, rubans et bracelets de soie, pochettes…
Nous avons fait le choix de travailler avec des artisans français confectionneurs de petites séries pour être en adéquation avec nos valeurs. C’est essentiel. Cet automne, nous avons lancé un nouvel accessoire, le foulard carré en laine mélangée soie. Quand le froid arrive, je trouve que nous avons tous besoin de nous envelopper dans un cocon de douceur. Nous avons mis du temps à trouver la matière idéale car l’impression sur le cachemire est très compliquée et je voulais une écharpe douce. La laine soie nous offre la douceur et un rendu des couleurs tout simplement exceptionnel.
« Maison Fétiche » présente aussi des accessoires pour la décoration ?
Nous proposons des collections de papiers peints panoramiques. La danse des poissons est proposée en plusieurs déclinaisons de couleurs. Extrait de l’un de mes tableaux, « La Danse » représente une nature sous-marine préservée avec ce récif corallien et ce banc de poissons majestueux qui s’éveille sous nos yeux. Notre prochain papier peint sera sur le thème de l’humanité et sera également décliné en plusieurs couleurs… suivront ensuite les fonds marins. A suivre ! Nous travaillons avec des professionnels (architectes, décorateurs…) pour des maisons, des écoles… et les particuliers dans toute la France. Nous fourmillons d’idées, c’est passionnant.
La Polynésie est au cœur de votre art et de Maison Fétiche ?
La Polynésie est en moi depuis toujours. Je la peignais bien avant de m’y rendre physiquement. J’y suis allée et j’ai ramené de ce voyage des motifs dont la fleur polynésienne que l’on retrouve aujourd’hui dans chacune de mes peintures. C’est mon fil conducteur. Je considère chaque motif comme un discours, j’écris à travers eux une histoire qui signifie quelque chose. Cette fleur polynésienne me permet de donner de la profondeur à mes tableaux. Cette profondeur fait écho à mon attachement à ce pays où l’on vit en connexion avec la terre mère, le céleste, la mer. Ça me tient vraiment à cœur et c’est ma signature.
L’identité de Maison Fétiche fait également écho à cela. Nos produits sont « fétiches » dans le sens le plus noble du terme : « Objet culturel auquel sont attribuées des propriétés surnaturelles bénéfiques pour son possesseur. Animal réel ou représenté qui est censé porter bonheur à celui qui le possède ». Notre symbole, le tiki symbolise l’ancêtre mi-humain, mi-dieu qui fut le premier homme. Selon la légende, c’est ce personnage mythique qui engendra les humains. Cette sculpture qui sert de protection aux familles est placée à l’entrée des maisons pour empêcher les mauvais esprits d’y pénétrer. Le « tiki » Maison Fétiche, que l’on retrouve sur toutes nos créations, a cette vocation, protéger votre « maison intérieure ».
Une rencontre déterminante
La vie est faite de rencontres. C’est compliqué de parler d’une seule rencontre. Je suis ce que je suis aujourd’hui grâce à ces personnes que j’ai côtoyées d’une façon ou d’une autre. Loïc Barbotin m’a beaucoup marquée comme le Chef Algonquin… Je dirais aussi que j’ai eu la chance d’avoir baigné toute petite dans l’art et cela m’a nourrie et construite. Ma mère organisait des événements à Hennebont qui réunissaient des artistes de tous horizons comme des céramistes, des sculpteurs… Étant jeune, mon père faisait de la sculpture, ma mère fait de la peinture également. Il y a certainement quelque chose dans ma famille car mon arrière-grand-mère, qui a vécu très longtemps en Indochine, faisait aussi des croquis. Je dirais donc que mon socle est ma famille et qu’ensuite, il y a eu et il y a toutes ces rencontres de vie qui m’enrichissent chaque jour.
Votre devise pro/perso
Je vais citer deux devises qui me suivent au quotidien : « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. » et « Souris à la vie et la vie te sourira. ».
Quelle est votre connexion avec Demeures Marines ?
Avec Demeures Marines, nous partageons les mêmes valeurs. J’ai envie de poser un mot sur Demeures Marines, c’est « Élégance ». La signature de « Maison Fétiche », c’est « Élégante et Audacieuse » et je retrouve cela en vous. J’aime l’univers Demeures Marines, la façon dont vous abordez les choses, dont vous parlez d’un lieu en le sublimant… c’est toujours très bien présenté et joliment écrit. Maison Fétiche et Demeures Marines ont vraiment cette connivence. Demeures Marines, c’est l’élégance et la fraîcheur. L’équipe a du talent.
Comment définiriez-vous votre art de vivre à l’ouest ?
J’aime Vannes et le Golfe du Morbihan pour la lumière unique qui y règne. Après 15 années à Rennes, nous sommes revenus dans le Golfe du Morbihan pour que ma fille Lili, qui est née en Polynésie, puisse être au plus proche de son élément qu’est la mer. Je voulais qu’elle puisse grandir dans cette lumière qui est très proche, en certains endroits, de celle de la Polynésie. Nous souhaitions également qu’elle puisse s’épanouir en ayant cette possibilité de passer du temps sur les îles du Golfe du Morbihan dont l’île d’Arz qui nous est très précieuse pour son caractère sauvage. On y vit en connexion avec la terre mère, la mer et le céleste… comme en Polynésie.
Crédits photos – Caroline Basuyau – Maison Fétiche